DE LA TRANSPARENCE A LA CONNAISSANCE

On connait l’« infobésité », néologisme qui qualifie l’excès d’information dont nous sommes chacun abreuvés ad nauséam. Va-t-il bientôt falloir inventer une « visiblose » pour désigner cette maladie de la transparence qui nous conduit, parfois à notre insu, à être toujours plus lisibles, plus explicites, plus clairs, plus transparents et ceci dans notre intimité comme dans notre vie professionnelle ?

Faut-il toujours tout étaler au grand jour ? Faut-il donc toujours publier et mettre en ligne tout ce que l’on fait, tout ce que l’on dit, ce que l’on pense et ce que l’on est ?

L’affaire est délicate.

Les transgressions ou les tromperies avancent masquées ; les exactions restent secrètes ; l’opacité, c’est vrai, est le terreau des abus. Et sans même aller jusque-là, il est certain que le processus d’évaluation – exercice de transparence, s’il en est – a eu un réel effet bénéfique sur le service rendu aux utilisateurs des établissements et services sociaux. La critique de cette exigence de transparence pourrait donc rapidement se retourner contre son auteur : « Tu as donc quelque chose à cacher ? … »

Et bien oui ! Nous avons tous, individuellement ou collectivement, besoin de cacher quelque chose. L’exposition totale devient vite totalitaire. Nous ne sommes pas faits que de vie publique, pas plus les individus que les institutions et encore moins ceux et celles dont la personnalité est fragile, encore chancelante ou inachevée. Nos fragilités supportent mal la transparence… Au nom de quoi nous faudrait-il donc toujours faire savoir, montrer, se montrer, au risque de finir par « faire le beau » en permanence ?

L’actualité des réseaux sociaux nous invite, à titre personnel, à la prudence médiatique. Mais notre exercice professionnel nous incite à l’inverse : exigence de reporting, souci de communication institutionnelle, partenariats et interopérabilité des systèmes d’information, impératifs de commercialisation… autant de sollicitations légitimes au dévoilement et à la transparence sur le contenu de notre travail et à la diffusion large d’informations sur ce que font notre institution et les acteurs qui la composent. Que faire alors ?

Une fois de plus, ce n’est pas Ia doctrine qui est contestable : le principe même du contrôle, qui s’impose aux institutions qui accueillent du public ou qui vivent de fonds publics, impose à son tour cette exigence de transparence. Nous la devons à nos concitoyens. De même l’ouverture, la coordination des actions, le partage d’expérience, la diffusion des pratiques… tout ceci, ce sont des expériences de transparence possiblement fécondes.

Ce qui pose problème, c'est lorsque la doctrine devient un dogme, c’est lorsque l’impératif d’exposition ne se discute même plus, parce que, par principe, il est supposé vertueux. C'est en cela que nous sommes parfois invités à informer, informer, informer toujours pour rendre toujours plus visible. Mais à défaut d'analyse et d'approfondissement de l’information nous risquons de passer à côté de ce qui fait une véritable connaissance, une compréhension, une intelligence du message.

Il s’agit en fait de passer du domaine des sens – l’information est visuelle ou auditive – au domaine de la raison, de la réflexion, de la compréhension. Au fond, l’antidote à l'excès de transparence, ce n’est pas l'opacité ni le secret ; ce serait peut-être plutôt l'approfondissement, la réflexion, l’exigence intellectuelle qui donne de l'épaisseur à ce que l’on montre.

Bernard LEMAIGNAN
Directeur.

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Publié le 03 mai 2018
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