DE LA CERTITUDE... A LA CONVICTION

En marge d’une réunion où nous nous trouvions côte à côte, et à la suite d’une intervention de ma part qu’il avait dû trouver un peu trop péremptoire, un collègue directeur général d’association me fait passer un papier avec ces quelques mots, en forme d’aphorisme : « Plus je vieillis, plus j’ai des certitudes avec mes doutes ! ».

 On aurait pu s’attendre à une formulation inverse, quelque chose comme « plus je vieillis plus je doute et moins j’ai de certitudes… » De fait, on ne se libère que progressivement de cette arrogance qui nous rend trop sûr de soi, qui nous fait souvent trop affirmatif et c’est en avançant dans la complexité du monde que l’on en vient à relativiser les solutions toutes faites et à se méfier des discours d’évidences. Le doute est fécond comme un chemin d’accès à la compréhension des choses.

Et pourtant non. Ce n’est pas ce qui est écrit : « Plus je vieillis, plus j’ai des certitudes avec mes doutes !… » Que veut-il donc me dire ? Que comprendre de cet étonnant paradoxe ?

Certainement pas cette forme de complaisance dans l’incertitude qui servirait de prétexte pour ne pas décider : on est tenté parfois de faire du doute une sorte de parti pris, un mode de vie qui consiste à rechercher sans fin le contre-argument, à plaider en permanence le pour et le contre qui fait que l’on finit par s’installer dans le confort du scepticisme improductif. Ça, c’est le dirigeant rendu impuissant par son désarroi, tout comme l’âne de Buridan qui, placé à égale distance du seau d’eau ou de la botte de foin, meurt de faim et de soif faute d’avoir pu décider s’il allait d’abord à droite ou d’abord à gauche !

Il ne s’agit pas non plus de cette forme de fatalisme qui voudrait qu’il faille avoir des certitudes malgré les doutes qui nous assaillent, un peu par défaut, de manière un peu trop volontariste… : « Je ne sais pas trop quoi penser… mais, puisqu’il faut bien faire un choix, je vais faire comme si j’étais certain que c’est le bon choix… »

Cette brève maxime nous dit en fait bien autre chose.

C’est lorsque l’on sait où l’on veut aller, c’est lorsque l’horizon est clair, c’est lorsque le dirigeant porte en lui suffisamment de conviction sur l’avenir, c’est lorsque la « colonne vertébrale » qui structure l’organisation et les personnes qui la dirigent sont suffisamment solides que le doute est fécond. Douter des méthodes, douter de la meilleure voie pour avancer, donner du crédit à des façons de faire différentes, accepter la contradiction et le risque de « ne pas savoir » suppose cette solidité interne qui permet de se sentir en sécurité dans l’incertitude. On peut avancer dans le brouillard, chercher son chemin, éviter les écueils… pour autant que l’on ait une boussole !

L’autoritarisme, les managements instables ou erratiques, l’indécision, tous ces symptômes des gouvernances faibles – gouvernance pris ici au sens le plus large – sont bien souvent la conséquence secondaire d’inquiétudes qui ne trouvent pas de visions et des convictions suffisamment puissantes pour pouvoir s’y appuyer.

Bernard LEMAIGNAN,
Directeur

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Publié le 07 juin 2018
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