Les mots s’usent, lorsque l’on s’en sert trop et les plus belles notions perdent de leur épaisseur à force d’être invoquées sans nuance. Il en est ainsi de la « qualité » répétée comme un mantra dans toutes les sphères du travail, sans que l’on ne prenne même plus la peine de préciser de quoi on parle : qualité des procédures ? Qualité des locaux ? Qualité du travail ? Qualité de la rencontre avec les personnes ? Qualité des techniques mises en œuvre ? Non. Nous sommes simplement appelés à faire de la qualité en soi.
Et, de fait, la qualité n’a plus grand-chose à voir avec « ce qui est bien fait », « ce qui produit de bons effets », « ce qui est ajusté à la situation » : le bon, le bien, le juste, vertus morales, ne sont pas des critères pertinents de qualité. La qualité n’est pas un état, c’est un concept : c’est « l’aptitude d'un ensemble de caractéristiques intrinsèques à satisfaire des exigences »[1]!... Les qualiticiens sont des grands poètes…
Pour nous, institut de formation, cette exigence contemporaine prend des formes très concrètes : questionnaire de satisfaction, enquête d’insertion ex-post, évaluation interne et externe, audit de certification, référentiels et indicateurs qualité, procédure d’agrément, démarche d’accréditation… Prévert et Desproges réunis se seraient régalés de cette litanie curieuse destinée à prouver que nous faisons de la qualité dans notre travail.
A première vue, en effet, nous avons sous les yeux une somme un peu désespérante d’obligations administratives qui, à l’usage, se révèlent parfois redondantes, souvent superficielles et toujours chronophages. C’est d’ailleurs parti pour continuer : la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel », maintenant promulguée, prévoit la mise en place d’une application mobile permettant à tout un chacun de visualiser en temps réel l’offre de formation dont il a besoin et le niveau de satisfaction des utilisateurs d’un institut de formation : nous aurons tous bientôt sur notre smartphone un « trip advisor » de la formation, comme si la satisfaction utilisateur se confondait sans nuance avec la qualité… Formidable !
Mais, passé ce persiflage un peu facile, que penser, au fond, de cet appétit de qualité totale ?
D’abord, ne pas confondre la forme et l’intention : quelles que soient les contraintes que cela impose aux instituts de formation, il n’est pas illogique que les tiers utilisateurs ou acheteurs d’un service formation disposent de garanties externes et d’éléments suffisamment objectifs pour être certains qu’ils ne mettent pas leur destin professionnel et leur argent entre n’importe quelles mains. De garanties externes, parce que même les plus vertueux d’entre nous restons timides lorsqu’il s’agit de tendre vers une plus grande transparence.
D’autre part, ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : si critiquables que soient ces process qualité, ils nous obligent à revisiter notre organisation et nos manières de faire, ils mettent en lumière nos incohérences et, au fond, ils nous conduisent tout simplement à « dire ce que l’on fait et à faire ce que l’on a dit. » C’est déjà pas mal !
Enfin et surtout, la qualité d’un service ne se résume pas aux procédures qui en sont le cadre. C’est ici que la morale du bien et du bon, mise à la porte ci-dessus, revient par la fenêtre dans le débat : les questionnaires utilisateurs ont ceci d’intéressants qu’ils permettent aux stagiaires, au-delà des cases à cocher, de nommer ce en quoi une formation, une séquence de cours aura été bonne pour lui ou pour elle, aura fait écho à une interrogation, à une situation professionnelle, lui aura permis de se découvrir, de comprendre une question et d’accéder à une autre, lui aura fait faire un pas dans la connaissance…
Encore faut-il que l’institut de formation et les formateurs attachent du prix aux finalités et au sens de leur action, à une certaine éthique de l’action de formation.
Ethique. Voici un mot, lui aussi, bien galvaudé !
Nous avons donc voulu en déchiffrer la signification lors de notre toute prochaine rencontre-conférence de ce mardi 2 octobre. Venez nombreux.
Et, si vous ne pouvez pas vous joindre à nous, suivez cette conférence sur votre écran : elle est diffusée en streaming !
Bernard LEMAIGNAN,
Directeur général
[1] Organisme Français des Certification : norme ISO 9000 – 2000.
